Continuerons-nous à observer une surmortalité après l’extinction de la pandémie ?
Aux Etats-Unis et en Europe, nous avons observé en 2020, une surmortalité par rapport aux années précédentes, surmortalité importante de l’ordre de plus de 10% imputée majoritairement à la COVID. Ainsi en 2020 la Covid est la troisième cause de mortalité aux Etats-Unis alors qu’en Europe la surmortalité est grossièrement comparable au nombre de morts attribués à la COVID. Cette surmortalité, comme attendu, n’est pas observée en dessous de 45 ans, est observé de façon très modeste entre 45 et 65 ans puis de de façon de plus en plus importante au-dessus de 65 ans. La question de la persistance de cette surmortalité au-delà de l’épisode pandémique actuel reste cependant posée par beaucoup craignant les conséquences de cet épisode sur la prise en charge des autres pathologies.
Pour la première fois, les données concernant les causes de décès observés en 2020 comparativement aux années précédentes ont été publiées Elles concernent les Etats-Unis mais on imagine que les conclusions que l’on peut en tirer sont valables pour l’Europe. Ces données permettent d’attribuer la surmortalité observée aux Etats-Unis et de mesurer les conséquences de la pandémie sur différentes causes de mortalité. En 2020, plus de 500 000 décès supplémentaires ont été comptabilisés aux Etats-Unis (soit une augmentation de plus de 17%). Plus de 345 000 de ces décès supplémentaires ont été attribué la COVID. Mais une augmentation importante des décès a été observée pour les maladies cardio-vasculaires (+5%), pour les diabétiques (+15%), pour les patients atteints d’Alzheimer (+10%). Enfin les décès par surdosage médicamenteux ont cru de plus de 10%. Le nombre de décès d’origine cancéreuse n’a pas été modifié comme le nombre de décès par suicide.
Ces données doivent être examinées certes avec prudence mais dans tous les cas avec beaucoup d’attention. Elles nous montrent que l’extinction de la pandémie est la première condition au retour de chiffres de mortalité des années avant 2020. C’est dire que quelle que soit la crainte que nous ayons d’une mauvaise prise en charge des autres pathologies, l’urgence reste de maitriser la pandémie et donc l’urgence reste la vaccination et l’anticipation des éventuelles « rechutes ».
Ces données nous montrent que les pathologies chroniques avec possibilité d’épisodes aigus graves (l’infarctus d’un hypertendu ou d’un diabétique par exemple) paient aussi leur Tribu à la pandémie. On peut supposer que ce Tribu soit le résultat quasi immédiat d’une moins bonne prise en charge plus que d’un retard de diagnostic, et ceci nous laisse espérer que nous retrouverons tout aussi rapidement les statistiques de mortalité pré-pandémie dès la situation sanitaire normalisée.
De façon plus étonnante au vu des alarmes concernant la dégradation de la santé mentale, nous n’en observons pas de traduction en terme de suicide.
La question qui demeure est donc du cancer. Certains pourraient se réjouir de voir que 2020 n’a pas été une année de surmortalité pour le cancer (du moins aux Etats-Unis). Cela ne préjuge pas des statistiques que nous observerons cette année et les quelques années suivantes. La mortalité liée au cancer est très sensible au retard de diagnostic et de prise en charge mais cette sensibilité ne se traduit pas immédiatement comme pour les maladies cardio-vasculaires. Ainsi, à l’inverse de celles-ci, c’est à distance de la pandémie (si celle-ci est maitrisé comme nous l’espérons en 2021) que nous pourrons véritablement en mesurer les conséquences. Une surmortalité par cancer conséquence à distance d’une pandémie n’est pas à exclure. Ce risque impose que les politiques de prévention et de dépistage de cancer soient amplifiées aussi rapidement que possible. Rattraper le retard pris à cause de la pandémie dans cette prévention et cette détection est le meilleur garant pour éviter que l’on ne sache, pendant de longues années encore, retrouver la mortalité de 2019.