Mettons en regard 2 statistiques
Entre 2001 et 2010, 138 médicaments ou nouvelles indications obtenaient une ASMR de 1 à 3 (majeure à modérée) alors que dans le même temps 229 nouveaux médicaments étaient approuvés par les autorités américaines. Entre 2011 et 2021, ces chiffres étaient de 47 pour une ASMR 1 à 3 pour 690 nouveaux médicaments.
Comment expliquer un tel écart ?
Nous pouvons exclure d’emblée l’incapacité accrue de l’Industrie Pharmaceutique au cours de ces 10 dernières années à mettre sur le marché des médicaments innovants : jamais dans ces dernières années, l’industrie n’a autant innové, en témoigne la mise en disposition de thérapies cellulaires, de thérapies géniques, de l’immunothérapie dans le cancer, de nombreux médicaments dans les pathologies rares et ultra-rares, sans citer les thérapeutiques pour lutter contre la pandémie récente.
Nous devons exclure une sévérité grandissante de la commission de transparence dans son évaluation ou une attention plus particulière apportée aux conséquences économiques de ses avis puisque cette commission, au-delà des membres qui la composent suit une doctrine d’évaluation qu’elle a édictée.
Le problème se situe là
La doctrine d’évaluation de la commission de transparence est devenue totalement inadaptée à la majorité des thérapeutiques nouvelles proposées à son évaluation. La grande majorité des thérapeutiques actuelles n’obéît plus au schéma d’hier, traitements chroniques de populations larges : aujourd’hui ce qui est proposé à l’examen de la commission ce sont des traitements de maladies rares, ce sont des thérapeutiques de dernier recours, ce sont des thérapeutiques nouvelles ayant la capacité de guérir après une ou un nombre limité d’administration. Le bénéfice de toutes ces thérapeutiques est incertain au moment de leur approbation mais leur potentiel en est tel que retarder leur mise sur le marché n’est pas envisageable. La doctrine actuelle de la commission privilégie l’incertitude au potentiel aboutissant trop souvent pour ces traitements à des ASMR mineur ou absent.
Des organismes d’évaluation ont bien compris que les règles devant être appliquées dans ces situations d’incertitude devaient être modifiées : l’Institute for Clinical and Economic Review (ICER), institut indépendant d’évaluation économique des médicaments aux US a dès 2017 émis des recommandations pour les médicaments destinés aux maladie rares et dès 2019 pour les thérapeutiques cellulaires ou géniques. Une telle démarche n’a pas encore abouti en France et plus largement en Europe. On peut d’ailleurs légitimement se demander si cette démarche a des chances d’aboutir dans le système d’évaluation français qui repose au contraire de la très grande majorité des autres pays européens sur une évaluation séquentielle médico-scientifique puis économique trop rigide dans son fonctionnement.
Rappelons que la rareté de la population, le potentiel d’une thérapeutique, l’incertitude de son bénéfice sont déjà appréciés au niveau européen et que ces paramètres ont permis leur traitement particulier (statut orphelin, procédure PRIME, « Advanced Therapy..). Pour la grande majorité de ces thérapeutiques, le problème n’est pas de mesurer leur valeur ajoutée, elle est déjà implicite et de toutes façons, inaccessible aux critères qui président à la doctrine actuelle de la commission, mais de réduire l’incertitude de leur bénéfice par un suivi dynamique de leur effet et par une prise rapide de décision en fonction des données de suivi.
La commission devrait vite et radicalement modifier sa doctrine pour prendre en compte ces nouvelles thérapeutiques, sinon la question posée pourrait être de décider des conditions d’accès avec le seul comité économique sur la base d’un dossier médico-économique qui saura accepter l’étendue des hypothèses plutôt que compter les objections. Des schémas distincts de la doctrine actuelle doivent être mis en place pour tout médicament ayant bénéficié d’un statut particulier au niveau européen, schémas devant privilégier le potentiel à l’incertitude.
Ces schémas doivent s’accompagner d’engagements réciproques. Les outils permettant de remplir les engagements des 2 parties existent : bases de données, registres, données intégrées et nouvelles techniques d’analyse. Surtout nous devons pour la majorité des thérapeutiques d’aujourd’hui, substituer à l’inadéquation du process actuel et de ses règles, une dynamique de décision au moment de l’accès puis au cours de la vie du médicament. Cette dynamique de décision rythmée par la levée en continu de l’incertitude, est la seule capable de garantir l’accès équitable aux innovations d’aujourd’hui et de demain en France.
Les statistiques concernant les avis de la Commission de Transparence ont été fournies par My Pharma Benchmark SAS